Comment écrire en état de guerre ? Quel regard porter sur le monde quand les bombes tombent à vos portes ? Pourquoi la chronique intime des jours devient-elle universelle ? Avec son Journal d’une invasion (Les Editions Noir sur Blanc), Andreï Kourkov nous décline en kaléidoscopie une société ukrainienne plus affermie par les obus russes qu’avant le début du conflit.
Après Les Abeilles grises, son dernier roman traduit en français, Kourkov est passé de l’autre côté du miroir. Il ne s’agit plus d’observer à distance de l’écriture, mais de se plonger dans le vivant pour saisir davantage l’âme ukrainienne au quotidien. De la préserver du sabotage culturel et identitaire que visent les drones de Poutine, tout autant que les objectifs militaires. Politique, il s’étonne que les villes russophones du pays, comme Marioupol, ont été paradoxalement les plus détruites par les armes de Moscou.
Rencontré à la dernière édition de Le Livre sur les Quais, à Morges, l’ancien président du Pen Club ukrainien nous brosse encore un état de la littérature nationale, où les récits des vétérans attirent désormais un grand nombre de lecteurs, surtout chez les quatre cent mille soldats qui ont combattu au Donbass d’avril 2014 à février 2022.
Il nous définit son rôle d’intellectuel dans une société qui ne sera plus jamais la même, où la langue russe a perdu sa place et sa reconnaissance chez les artistes et les écrivains.
Un témoignage qui nous explique aussi qu’il ne faut jamais perdre son sens de l’humour.
Interview : Jean Musy
Technique : Cyril Cailliez |