Peut-on être Levantin aujourd’hui ? Le Levant existe-t-il encore ? Est-ce une réalité, un état d’âme, une nostalgie ? Noha Baz, pédiatre et écrivaine libanaise, née à Alep en Syrie, vit et travaille entre Paris et Beyrouth. Elle vient de signer son douzième livre, Le Levant, les saveurs de l’aube (Editions Nevicata), quête intime d’une identité déchirée par l’histoire.
Définir Le Levant est une gageure prévient Noha Baz : «Le terme évoque toujours une idée d'interconnexion, de croisement de cultures, de religions et d'empires au fil de l'histoire».
Tout commence donc par un voyage entre amis, au début du millénaire, du Liban en Syrie : ce qui reste aujourd’hui de la définition géographique du Levant. Un périple entre passé et présent, d’une époque d’après guerre civile.
De Beyrouth à Palmyre, de Baalbek à Damas, autant de cultures qui se croisent, de langues qui survivent et de plats savoureux, servis et partagés dans une hospitalité toute orientale. Question de rappeler notamment comment le Liban, état multiconfessionnel, vit avec dix-huit communautés en cohabitation jusqu’à aujourd’hui, malgré les tensions et la misère.
Passé le temps du souvenir, Noha Baz interroge quatre fins connaisseurs de la région pour comprendre la notion du Levant et ses origines. La Fontaine parlait déjà de «Levantin» dans sa fable Le rat qui s’est retiré du monde, préjugeant ainsi un commerçant rusé ou trompeur aux yeux européens.
«Le Levant est une invention européenne, mais une réalité proche orientale», lui souffle le professeur Henry Laurens, titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France. «Ce qui était une réalité commerciale et culturelle avec ses identités cosmopolites, a toutefois disparu définitivement dans la deuxième moitié du XXème siècle».
Alors s'étonne Noha, peu rassurée : «Le Levant est-ce une idée passée ? Sans perspective ?» Lucide, il lui répond : «sa force est qu’il conserve une richesse culturelle et un potentiel d’échanges toujours présents grâce aux diasporas levantines qui jouent un rôle clé dans ce domaine», car elles «continuent d’incarner une forme d’identité levantine à l’étranger».
Pour Arwad Esber, directrice de projet à la Maison des Cultures du Monde interrogée à Paris, «l’endurance et la résilience caractérise l’âme levantine». C’est «à nous, «Levantins», de décider de notre futur».
Avec un nouveau gouvernement «prometteur» au Liban et le changement de régime en Syrie, tous espèrent un nouveau Levant. Le rêve du retour continue.
Interview : Jean Musy
Technique : Cyril Cailliez |

Noha Baz
© Jean Musy / 2025

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